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Passionné d'aventures en montagne depuis mon plus jeune âge, je vous propose de découvrir ce site internet dédié à mes périples en altitude. Vous y trouverez les récits, photos, et vidéos de toutes les ascensions que j'ai réalisées à ce jour dans le monde entier.

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PYRAMIDE DE CARSTENSZ (4884 m) - Voie Harrer
Octobre 2025 - Chaîne de Sudirman, Indonésie
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La Pyramide de Carstensz, ou Puncak Jaya, est une montagne d'Indonésie située sur l'île de Nouvelle-Guinée, dans la province de Papouasie. Elle fait partie de la chaîne de Sudirman, un des massifs des monts Maoke. Ses 4884 mètres d'altitude font de cette montagne le point culminant de l'Indonésie et de l'Océanie, ce qui l'inscrit dans la catégorie des "Seven Summits" et place la Nouvelle-Guinée en première position dans le classement des îles par altitude. De ce fait, ce sommet isolé connaît une certaine fréquentation.

Découverte par Jan Carstenszoon en 1623, la montagne n'est approchée qu'au début du 20ème siècle et n'est gravie qu'en 1962 en raison de sa relative inaccessibilité. Une première ascension que l'on doit à Heinrich Harrer, le chef de cette expédition, par ailleurs vainqueur de la face nord de l'Eiger. Inclus dans le parc national de Lorentz, la Pyramide de Carstensz est située à proximité de la mine de Grasberg, une mine à ciel ouvert constituant un des plus importants gisements d'or et de cuivre au monde.

La principale difficulté pour les alpinistes désirant gravir le Puncak Jaya reste l'insécurité régnant dans la région. Des permis sont obligatoires pour s'approcher de la montagne, et l'accès au camp de base doit généralement se faire par hélicoptère.

Galerie photos
Jours 1 à 3 : De l'autre côté de la Terre
Récit de l'expédition
Pour bien comprendre cette histoire il faut remonter quelques années en arrière. Flashback : été 2019. A l'époque je devais m'envoler vers l'Indonésie pour gravir cette fameuse Pyramide de Carstensz. Un objectif important pour moi du fait de sa présence sur la liste des "Seven Summits", en tant que point culminant de l'Océanie. Tout était prêt : les vols réservés, l'agence locale sollicitée (et payée !), le planning de l'expédition minutieusement élaboré, les coéquipiers affutés... Il ne restait qu'à monter dans l'avion et transformer l'essai. C'est alors que, deux jours avant le grand départ, patatra ! Tout fut annulé. L'agence indonésienne évoqua une panne de l'hélicoptère qui devait nous emmener au camp de base. Bon, admettons. Notre expédition fut donc repoussée au mois d'octobre... puis à nouveau annulée ! Cette fois à cause de tensions politiques entre le gouvernement indonésien et les séparatistes papous. Affrontements, enlèvements… Cela tournait à la guerre civile et pour des raisons évidentes de sécurité nous dûmes encore repousser notre périple. Vint alors 2020, année fatidique puisque dès le printemps la pandémie de Covid-19 balaya la planète, obligeant les autorités à fermer toutes les frontières. Bref, un fiasco total : avant même d'avoir commencé s'en était fini de cette expédition maudite, 3 fois programmée, 3 fois annulée. La légendaire Pyramide de Carstensz venait de nous claquer la porte au nez, et ce pour une durée indéterminée.
Il a donc fallu s'armer de patience et attendre, 6 années durant. Entre temps je me suis tourné vers d'autres projets, tout en guettant le moindre signal positif en provenance de Papouasie, dans l'espoir de retenter ma chance. Et ce n'est qu'en 2025, à la faveur d'un relatif apaisement des tensions, que les portes de la montagne se sont réouvertes. J'ai alors sauté sur l'occasion et contacté une agence locale pour organiser une nouvelle expédition. Ainsi me voilà dans l'avion à destination de la lointaine Indonésie, à espérer que cette fois tout se déroule comme prévu…
Ce périple, j'y pense depuis des lustres, mais en toute honnêteté ce n'est pas l'expédition de mes rêves. Parce que c'est à l'autre bout du monde (4 vols, 32 heures de trajet) et que le déplacement est très peu rentabilisé (sur 12 jours de voyage il n'y aura qu'une seule journée de grimpe !). Je vais donc passer davantage de temps dans l'avion que sur la montagne... Et puis parce que c'est cher : 11 000 € tout compris, soit l'expédition la plus coûteuse de ma vie. Le pouvoir indonésien a vite compris le bénéfice qu'il pouvait tirer de cette montagne. En effet on parle d'un "Seven Summit", un sommet que beaucoup de personnes -pas forcément alpinistes- viennent "cocher" avant de repartir en vitesse, peu importe le prix à payer. Autant dire que je ne me reconnais guère dans ce projet qui est assez éloigné de mes convictions. Mais bon, il faut retirer cette épine de mon pied. Et puis gravir les "Seven Summits" reste un projet phare de ma carrière. Alors GO !
J’atterris à Timika en début de matinée. Cette ville est le chef-lieu du kabupaten de Mimika, dans le sud de la province indonésienne de Papouasie, sur l'île de Nouvelle-Guinée. Je suis ensuite transféré vers l’hôtel Horison Ultima, sans doute le plus luxueux de la ville, où je prends mes aises et m'offre un peu de repos après un long voyage. En soirée je rencontre les responsables de l’agence "Summit Carstensz" afin de procéder à une vérification de mon équipement. Je dois également m’acquitter du paiement, en cash et discrètement s’il vous plaît. J’imagine que quelques billets passeront ensuite en sous main dans les poches des représentants locaux... Car en réalité la montagne n’est pas officiellement ouverte, son ascension est rendue possible par des "arrangements". Un business juteux dans lequel chacun trouve son compte. N'espérez pas passer outre ces intermédiaires car toute incursion dans une zone montagneuse de Nouvelle-Guinée requiert l'approbation des autorités locales. Et il me semble très complexe, voire carrément impossible, d'obtenir par soi-même ces précieux laissez-passer.
Jours 4 à 6 : Attente à Timika
L’étape suivante consiste à voler en hélicoptère jusqu’au camp de base de la Pyramide de Carstensz. Seulement, il faut que les conditions météo soient favorables. Et les créneaux sont rares : seulement certains matins, entre 6h et 8h. Ensuite les nuages recouvrent les reliefs et le pilote n’a plus assez de visibilité. Dans le détail voilà comment cela fonctionne : il y a deux hélicoptères, qui peuvent chacun emmener 2 ou 3 grimpeurs et effectuer jusqu’à 4 aller-retour entre Timika et le camp de base. Tous les soirs l’agence nous communique le "manifest", c’est à dire la programmation des vols pour le lendemain matin, avec le nom des passagers.
En ce qui me concerne je dois faire preuve de patience. Le premier jour la météo est mauvaise : aucun décollage. Le second jour je ne suis pas inscrit sur la liste car d’autres grimpeurs arrivés sur place avant moi sont prioritaires, et c’est bien normal. Le troisième jour est le plus frustrant : je suis programmé dans le vol numéro 4. Mais une fois à l’aéroport on m’informe qu’il n’y aura que 2 rotations aujourd’hui car la météo s’est dégradée. Caramba, encore raté !
Je passe donc 3 interminables journées d'ennui à Timika. J’en profite quand même pour me balader en ville. Mais il y a bien peu de choses intéressantes à y visiter car il s’agit d’une cité minière, absolument pas tournée vers le tourisme. Alors je me morfonds à l'hôtel et attend sagement mon tour.
Timika, en Papouasie indonésienne
Jour 7 : Décollage, enfin !
Cette fois c’est la bonne ! Les montagnes sont dégagées et je suis en tête de liste pour décoller. Retour à l’aéroport. Je passe à la pesée (78kg, tant que ça ? J’ai donc atteint un nouveau sommet, celui de mon poids !) puis j’embarque dans l’hélicoptère. L’appareil s’arrache du sol et prend rapidement de la hauteur. Les habitations de Timika s’éloignent et nous volons au-dessus de la jungle, en allant droit vers les reliefs. Nous pénétrons à l’intérieur d’une étroite vallée encadrée de pics sauvages, sans doute jamais gravis. Comment diable pourrait-on escalader de telles montagnes, bardées de falaises et recouvertes d’une végétation impénétrable ?
Le trésor est bien gardé par la compagnie minière américaine Freeport-McMoRan, maître des lieux. Elle a interdit l'accès routier aux étrangers, c’est pourquoi nous devons utiliser l’hélicoptère pour nous rendre au camp de base.
Décollage pour le camp de base !
Notre frêle appareil vire maintenant sur la droite et pénètre dans la Yellow Valley, un haut vallon encaissé sous les parois de la Pyramide de Carstensz. Le camp de base apparaît, avec sa dizaine de tentes jaunes. Nous nous posons à proximité et débarquons en vitesse, dans un bruit assourdissant.
Le camp de base est situé à 4280 mètres d’altitude. C’est haut, surtout quand on arrive du niveau de la mer en seulement 20 minutes. On zappe complètement la phase d’acclimatation, alors l'organisme doit encaisser le choc. Je fais la connaissance de Tahir, le tout jeune "boss" du camp de base. Il me fait la visite : la tente-mess pour prendre nos repas, la tente médicale dont on tâchera de se passer, nos petites tentes personnelles pour dormir, et les indispensables toilettes. Je rencontre également mes partenaires d’ascension pour le lendemain. Nous serons 7 grimpeurs encadrés par 2 guides. Voilà la composition du groupe :
Nous prenons nos aises dans le camp. Toutefois nous avons interdiction de nous en éloigner, le secteur n'étant pas totalement sécurisé. La menace viendrait des séparatistes papous, que l'on nous dépeint comme des primitifs à la gachette facile et des aficionados du kidnapping. Mouais... J'ai quand même du mal à les imaginer faire 5 jours de marche depuis leurs villages et franchir plusieurs cols à 4000 mètres d'altitude pour venir enlever un touriste... Mais dans le doute, et puisque rien ne doit entraver le business, le camp de base est défendu jour et nuit par plusieurs soldats armés.
Nous comptons emprunter la voie normale, appelée voie Harrer. Un nom qui ne vous est peut-être pas inconnu. C'est en effet Heinrich Harrer, ancien nazi devenu le précepteur du jeune dalaï-lama au Tibet, et par ailleurs vainqueur de la face nord de l’Eiger, qui fut le premier à gravir cette montagne en 1962. Sa voie exploite la seule ligne de faiblesse de la face nord : une succession de failles entrecoupées de terrasses rocailleuses. Un cheminement astucieux qui mène sur l’arête ouest, qu’il faut ensuite suivre jusqu’au sommet. Le tout est généreusement équipé de cordes fixes, de bas en haut, ce qui facilite grandement l'escalade et rend ce sommet accessible à des débutants puisqu’il suffit de se hisser à l’aide d’un jumar, une poignée bloquante.
Au camp de base
Jour 8 : Escalade de la Pyramide de Carstensz (4884 m)
C’est le grand jour ! Réveil à 2h du matin. Le petit déjeuner est minimaliste, lui aussi. Visiblement ce n’est pas dans la nourriture que sont dépensés les dizaines de milliers de dollars touchés par l’agence… Mais qu'importe, concentrons-nous sur notre objectif. Nous nous équipons et partons en chenille dans les ténèbres, pas encore bien réveillés, mais sacrément motivés ! L'obscurité est totale mais nous pouvons deviner le mur qui se dresse devant nous. La montagne nous écrase de sa noirceur absolue.
Nous gravissons la pente rocailleuse, dans un silence uniquement rompu par le tintement de nos mousquetons, et rejoignons la base de la paroi. Nous connaissons déjà les premières longueurs, pour les avoir gravies la veille en entraînement, alors nous atteignons rapidement la première terrasse. La suite est du même accabit, à savoir une montée étriquée dans des dièdres peu inclinés. Nous sommes nombreux, et pas moyen de doubler sur ces cordes fixes. Alors nous avançons l’un derrière l’autre, mètres après mètres, à la lueur de nos frontales. Le rocher est de piètre qualité, en plus d'être humide par endroits.
Funambules à 4800 mètres !
Après avoir remonté plusieurs failles nous atteignons une zone "rando". Cela permet de reposer nos bras, mais cette partie est rendue pénible par des éboulis instables. Jugeant le rythme trop lent nous décidons, les Ukrainiens et moi, et avec l’accord de nos guides, de prendre les devants. Sans vouloir les accabler, de guide ils n’ont que le nom. Leurs connaissances techniques sont limitées et leur sens de la sécurité est bien loin de nos standards européens.
Le terrain se redresse brusquement et nous devons escalader une cheminée verticale d’une trentaine de mètres. Les prises sont bonnes mais ce passage refroidirait les ardeurs de la plupart des grimpeurs s’il n’y avait pas les cordes fixes pour s'assurer. Nous prenons ainsi pied sur l’arête ouest, à environ 4700 mètres d’altitude.
Il suffit désormais de suivre le fil dentelé jusqu’au sommet. Sur le papier, c'est on ne peut plus simple. Mais cette arête présente quelques obstacles, notamment plusieurs brèches aériennes. La première d'entre elles est si découpée qu'il faut la franchir par une tyrolienne. Un pont de singe pour être exact, que l’on parcourt avec les pieds en équilibre sur un mince fil d’acier tendu de part et d’autre de l'abîme. Cette traversée épique est le moment fort de l'expédition !
Je contourne une pointe rocheuse par la droite, sur une étroite vire. Puis je me heurte à une autre brèche, pas bien large et pas bien profonde celle-ci, mais franchement malcommode à franchir. J'hésite sur la meilleure manière de passer l'obstacle. Paraît-il que certains sautent d'un bord à l'autre. C'est un peu trop osé à mon goût. Alors je choisis une méthode moins spectaculaire : le grand écart, bien aidé par mes longues jambes. Et ça passe, en me contorsionnant un peu.
Plus loin nous survolons la mine de Grasberg, la plus grande mine d’or et de cuivre au monde. Elle est absolument gigantesque ! La montagne a été profondément éventrée pour dénicher les précieux minerais. Des milliers de mineurs y travaillent dans des conditions éprouvantes, à près de 4000 mètres d'altitude. Son exploitation a un impact économique considérable pour la province, et même pour le pays tout entier, car elle génère des sommes colossales. C'est d'autant plus vrai avec la récente envolée du cours des matières premières, l'or en particulier.
La population locale, quant à elle, reste engluée dans une certaine misère. C'est d'ailleurs ce qui cristalise la contestation : cette mine est le symbole du pouvoir central indonésien. A ce titre elle a souvent été la cible d'attaques de la part des séparatistes papous qui ont été expropriés de leurs terres pour permettre l’exploitation. Attaques sévèrement réprimées par l'armée indonésienne, qui y concentre de nombreuses forces. La zone est donc hautement sensible. D'autre part ces gisements, qui jouxtent le parc national de Lorentz, ont pollué les rivières à l'acide et au cuivre. En somme, cette mine est comme toutes les autres : un désastre environnemental et humain, pour la fortune de quelques-uns.
Jours 9 et 10 : Retour à Timika
Il est désormais temps de retourner au bercail, et cela s’annonce très long. Il faut déjà revenir à Timika en hélicoptère. Avec la même problématique qu’à l’aller : si le temps est nuageux, pas de vol possible. Je croise les doigts en espérant décoller au plus tôt. Non pas que l'endroit ne soit pas joli, mais disons que je n'ai plus rien à y faire désormais. Hélas le "manifest" m’a positionné sur le quatrième et dernier vol. Autant dire que j’ai peu de chance de décoller aujourd’hui... Crainte confirmée en milieu de matinée : les nuages se sont répandus dans la zone et l'hélicoptère n’a pu faire que 3 rotations. Mince, me voilà cloué ici pour une journée supplémentaire !
Au camp de base il n'y a guère d'occupation, malgré la connexion Wi-Fi. Le temps est long. Alors en toute discrétion je monte sur ce qu'on appelle l'arête centrale, une échine rocheuse située 100 mètres au-dessus du camp. La vue y est très intéressante car elle s'ouvre au nord sur la vallée de Meren, parsemée de somptueux étangs. Au-delà s'élèvent des pics remarquables : le Sumantri (4870 m), le Ngga Pulu (4862 m) ou encore le Carstensz Oriental (4820 m).
Le lendemain matin le ciel est dégagé. Voilà qui est bon signe. Je prépare mes affaires et attend patiemment. Vers 7h j’entends le vrombissement des pales qui résonne dans la Yellow Valley. L’hélicoptère arrive, et cette fois c'est pour moi ! Le petit appareil se pose à proximité du camp, je monte à bord, et quelques instants plus tard nous décollons.
Je jette un ultime regard sur le camp de base et ses environs. J’y aurai passé un court mais intense moment de ma vie. Mais je n’y reviendrai pas, c’est sûr. Les sommets voisins seraient susceptibles de m’intéresser, mais c’est loin d’être une priorité. Et puis d’ici peu leurs glaciers auront disparu, et leur charme avec, alors à quoi bon ? Le vol retour est tout aussi beau qu’à l’aller, l’effet de surprise en moins. Nous survolons la mine, puis la jungle, avant de nous éloigner définitivement des reliefs. Une fois atterri à Timika je rejoins directement mon hôtel où je vais pouvoir rattraper mon déficit de sommeil.
Jours 11 et 12 : Visite d’Amsterdam
Long, très long retour vers l’Europe, avec une succession de vols via Makassar, Jakarta, Kuala Lumpur et Amsterdam. Je profite de cette dernière escale, longue d’une d’une douzaine d’heures, pour me balader en vélo dans la capitale néerlandaise. Une ville vraiment remarquable pour son patrimoine artistique, son système élaboré de canaux et ses étroites maisons à pignons. Le timing est serré alors je vais à l’essentiel : la Maison Anne Frank, évidemment poignante, puis le charmant quartier de Jordaan, le controversé quartier rouge (totalement désert le matin !), suivi de flâneries dans le Vondelpark et de visites au musée Van Gogh, à la gare d'Amsterdam-Central, au palais royal et au Rijksmuseum...
Mon dernier vol pour Nantes est l'occasion de dresser un bilan de cette expédition. Je suis évidemment heureux d’avoir gravi mon 5ème "Seven Summit". Ce ne fut pas le plus simple de la liste, logistiquement parlant. Il ne reste désormais "que" le Vinson et l’Everest, deux gros morceaux, notamment sur le plan financier. En attendant de réunir les fonds nécessaires, il est fort possible que je retourne sur l’île de Nouvelle-Guinée dès l’année prochaine. Mais cette fois dans sa moitié orientale, puisqu’il il y a là-bas quelques montagnes qui m’attirent… Affaire à suivre !
Les brumes équatoriales dans lesquelles nous étions noyés s'évaporent quelques minutes, le temps pour nous de découvrir un paysage fabuleux. Dans toutes les directions se dressent des montagnes mystérieuses, pour la plupart inexplorées. Cette île de Nouvelle-Guinée est décidément l'un des endroits les plus sauvages de la planète !
Un peu plus loin, encore une brèche. Pas simple elle non plus. Elle m'oblige à un nouveau numéro d'équilibriste, sur des blocs déversant vers le précipice. Alors oui il y a les cordes fixes, ce qui signifie que dans le pire des cas je me retrouverais suspendu dans le vide, mais j'aimerais autant éviter de tester la solidité des points d'ancrage. Quant aux cordes, elles sont significativement usées par des années d'intempéries. Alors le mieux, c'est de ne pas tomber.
Il est 11h lorsque j'atteins le camp de base. Après les félicitations d'usage de la part de Tahir et ses acolytes, je déjeune en vitesse et file dans ma tente pour une sieste bien méritée. Plus tard dans la journée je déambule dans les environs, pour passer le temps. Mais la balade est de courte durée puisque le déluge s'abat sur le massif, comme tous les après-midi. J'ai alors une poignée de secondes pour aller m'abriter si je ne veux pas finir copieusement arrosé.
Et de 5 !
Je célèbre intérieurement cette réussite. C'est un immense succès pour moi, surtout après tous les déboires logistiques rencontrés sur ce projet depuis plusieurs années. Je suis privé de panorama, malheureusement, car la cime est prise dans les nuages. Mais puisqu'elle l'est l'immense majorité du temps, je ne suis guère déçu. A vrai dire l’essentiel est d’avoir atteint mon 5ème "Seven Summit". Ça y est, j'ai enfin rompu cette foutue malédiction !
Les Ukrainiens commencent leur descente. J'en profite pour rester au sommet quelques minutes de plus, seul sur la montagne rêvée, à savourer l'instant. Puis je me lance à mon tour dans un long retour vers le camp de base, en suivant le même itinéraire qu'à la montée. La prudence est toujours de mise. Je franchis à nouveau les différentes brèches, plus aisément d'ailleurs dans ce sens-là. Puis vient la tyrolienne. Un moment exaltant, à condition de ne pas avoir le vertige. A vrai dire ce n'est pas une première pour moi car j'en avais déjà traversé sur des vias ferratas dans les Alpes. Mais là, à 4800 mètres d'altitude, à l'autre bout du monde, la saveur n'est pas la même. Il y a un parfum d'exotisme en supplément.
Ensuite il faut plonger dans la face nord, avec son lot de rappels. Etant en solo je peux rapidement enchaîner les manips et me laisser glisser sur les cordes. Je découvre au passage les rainures rocheuses dans lesquelles nous avons grimpé durant la nuit. L'itinéraire louvoie entre de grandes dalles striées, à la recherche du chemin de moindre résistance. Cette montagne est vraiment singulière dans sa physionomie. A ce titre, elle mériterait qu'on y passe plus de temps.
Ensuite la progression devient plus aisée. Il y a bien quelques vires et de petites barres rocheuses, mais rien qui soit susceptible de stopper un grimpeur qui serait parvenu jusque là. Le tout est de rester concentré. Ainsi je finis par atteindre, après 5 heures d'une escalade exigeante, le sommet de la Pyramide de Carstensz (4884 m), aka Puncak Jaya !
Adieu la Yellow Valley !
Douce matinée à Amsterdam
En fin de matinée nous effectuons un petit entraînement. Pour cela nous montons jusqu’à la base de la paroi du Carstensz. Ici plusieurs plaques funéraires viennent nous rappeler que ce n'est pas une montagne à prendre à la légère. Puis nous escaladons les cents premiers mètres de l’itinéraire. Cela permet à chacun de se familiariser avec la voie, et aux guides de s’assurer que nous avons le niveau technique requis pour son ascension.
Le reste du temps je somnole dans ma tente, sans réussir à trouver le véritable sommeil qui me fait pourtant cruellement défaut. Toute mes tentatives de sieste sont contrecarrées par l'altitude, l'excitation, et le sol rugueux. Le soir nous avalons un maigre dîner, puis chacun rejoint sa tente respective en vue d'une courte nuit.
Après ce court exercice pratique nous redescendons au camp pour déjeuner.
L'après-midi est rythmé par la pluie. Entre deux lourdes averses je vais me promener aux alentours. Pas loin, comme promis, car on nous l'a rigoureusement interdit. Les consignes sont strictes : nous pouvons uniquement nous rendre vers deux petits étangs à proximité, juste histoire de se dégourdir les jambes. L'étang supérieur, d'un magnifique vert émeraude, est propice à de jolis clichés lorsque le soleil daigne faire une apparition. Quant à celui situé en contrebas du camp, ce n'est qu'une flaque marécageuse, mais photogénique également car dotée de teintes harmonieuses. Un peu plus en aval, un immense panneau dissuade ceux qui oseraient s'approcher de la mine d'or. Nous voilà prévenus : au-delà de cette limite les innocents alpinistes que nous sommes seront tirés comme du gibier !
Ce sont des cimes méconnues que j'aimerais beaucoup gravir, si l'occasion m'était donnée. Malheureusement nos déplacements sont limités. C'est franchement frustrant de ne pas pouvoir explorer librement le secteur car ces sommets sauvages seraient la promesse d'une belle aventure. En effet ils sont quasiment aussi élevés que la Pyramide de Carstensz et ils abritent les derniers glaciers d’Indonésie. Des glaciers désormais réduits à peau de chagrin. Et leur temps est compté : dans 3 ans seulement ils auront disparu… Un triste constat qui n'est pas nouveau : le recul glaciaire s'accélère, et aucune région du globe n'est épargnée. Encore moins les zones tropicales.